Les salariés qui résident en France, mais qui travaillent habituellement en Allemagne ont, pour la plupart, été amenés à augmenter leur temps de télétravail à domicile en France du fait des mesures et recommandations sanitaires et gouvernementales pour endiguer l’épidémie de coronavirus  (COVID-19). Par ailleurs, certains d’entre eux ont été soumis au chômage partiel (Kurzarbeit) et ont perçu des indemnisations de chômage partiel (Kurzarbeitsgeld), de chômage (Arbeitslosengeld) ou d’insolvabilité (Insolvenzgeld) en Allemagne.

La question se pose de savoir quelles seront les conséquences de ces mesures exceptionnelles sur la sécurité sociale et l’imposition de leurs revenus de source allemande  (salaire, indemnisation de chômage partiel).

A. Conséquences des mesures COVID-19 sur la sécurité sociale

Au niveau communautaire, un salarié qui travaille dans plusieurs pays ne peut être affilié à la sécurité sociale que d’un seul pays. En principe, le salarié est affilié à la sécurité sociale du pays dans lequel il effectue 25% ou plus de son temps de travail total.

Or, sous l’effet des mesures et recommandations sanitaires et gouvernementales, la plupart des employeurs allemands ont ordonné le télétravail à leurs salariés. La majorité des salariés qui résident en France se sont donc retrouvés à travailler depuis leur domicile en France, et ce plus de 25 % de leur temps de travail total. En application des règles normalement applicables, cela devrait en principe avoir pour conséquence une affiliation à la sécurité sociale française alors que ces salariés étaient jusqu’alors affiliés à la sécurité sociale allemande.

Or, dans un communiqué de presse du 19.03.2020, la Ministre française du Travail a souligné le caractère exceptionnel des mesures sanitaires (cas de force majeure) et a donc décidé que le dépassement de la limite habituelle de 25 % en raison du recours accru au télétravail n’aura pas d’impact en matière de sécurité sociale : le salarié restera affilié à la sécurité sociale de son État d’activité. Cette réglementation devrait s’appliquer au moins jusqu’au 31.12.2022 et elle vaut autant pour les travailleurs frontaliers que pour les salariés non frontaliers. Cette réglementation est actuellement applicable jusqu’au 30.06.2023 (Source: CLEISS).

Un salarié qui réside en France et qui travaille habituellement en Allemagne restera donc affilié à la sécurité sociale allemande, même s’il dépasse la barre des 25 % entre le 11.03.2020 et le 31.12.2022 du fait du recours accru au télétravail suite aux mesures sanitaires liées à la COVID-19.


B. Conséquences des mesures COVID-19 sur l’imposition des salaires de source allemande

 S’agissant des conséquences sur l’imposition du salaire en Allemagne, il convient de distinguer entre le travailleur frontalier et le salarié non frontalier.

a) Conséquences sur l’imposition du travailleur frontalier

Le travailleur frontalier est en général imposable dans son État de résidence (la France) lorsqu’il travaille en zone frontalière allemande et qu’il retourne chaque soir chez lui, à condition de respecter la règle des 45 jours (voir notre article « La fiscalité des frontaliers franco-allemands » en cliquant ici).

Dans un accord du 13.05.2020 entre la France et l’Allemagne, il est précisé que les jours travaillés en France (télétravail) en raison des consignes et recommandations sanitaires et gouvernementales, ne sont pas à prendre en compte pour les besoins de la règle des 45 jours et sont donc considérés comme des jours travaillés dans la zone frontalière.

b) Conséquences sur l’imposition du salarié non frontalier

Le salarié qui réside en France, mais qui travaille en Allemagne hors zone frontalière est généralement imposable dans son État d’activité, en l’occurrence en Allemagne.

En temps normal, si ce salarié travaille aussi, à raison de quelques jours par mois et en accord avec son employeur, en télétravail en France, son salaire de source allemande est imposable en France au prorata des jours travaillés en France, et en Allemagne au prorata des jours travaillés en Allemagne. En application de cette règle, les jours travaillés en France en raison des consignes et recommandations sanitaires et gouvernementales sont également imposables en France au prorata des jours travaillés en France.

Toutefois, en vertu d’un accord du 13.05.2020 entre la France et l’Allemagne, les jours travaillés en France uniquement en raison des consignes et recommandations sanitaires et gouvernementales peuvent, sur option, être considérés comme des jours travaillés en Allemagne, lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  • Le salarié dispose d’une attestation de l’employeur indiquant quels jours de télétravail sont exclusivement dus aux mesures liées à l’épidémie de COVID-19. Il est important de noter que les jours de travail qui sont habituellement exercés à domicile en vertu du contrat de travail ne bénéficient pas de cette option et sont obligatoirement considérés comme des jours travaillés en France.
  • Le salarié, qui fait usage de cette option, doit déclarer ses jours travaillés de manière cohérente en France comme en Allemagne. La part du salaire afférent aux jours considérés comme des jours travaillés en Allemagne sur option du salarié devra alors être imposée en Allemagne.

Cet accord est valable pour les jours travaillés entre le 11.03.2020 et le 30.06.2022.

En ce qui concerne l’imposition sur les revenus 2020 à 2022, il est donc recommandé aux salariés concernés de se procurer une attestation de leur employeur allemand qui indiquerait :

  • Le nombre total de jours travaillés en France (et à l’étranger hors Allemagne) au cours de l’année concernée.
  • Parmi ces jours, les jours travaillés en France uniquement en raison des consignes et recommandations sanitaires et gouvernementales.

Au moment d’établir ses déclarations en Allemagne et en France, le salarié aura donc la possibilité d’opter pour la solution qui lui sera la plus favorable entre l’imposition exclusive en France ou en Allemagne, des jours travaillés en France uniquement en raison des mesures sanitaires.

S’agissant de la possibilité de faire valoir les frais de télétravail en Allemagne, voir notre article sur le sujet en cliquant ici.


C. Conséquences des mesures COVID-19 sur l’imposition des indemnisations de chômage partiel (Kurzarbeitsgeld)

Les salariés qui résident en France et travaillent habituellement en Allemagne, mais qui sont empêchés de travailler en raison des mesures sanitaires peuvent être amenés à percevoir des indemnisations au titre de la législation sociale allemande, notamment les indemnités de chômage partiel (Kurzarbeitsgeld), de chômage (Arbeitslosengeld) ou d’insolvabilité (Insolvenzgeld) de source allemande.

Ces rémunérations sont exclusivement imposables dans l’État de résidence, en l’occurrence en France.


D. Ce qu’il faut retenir

  • Les jours travaillés entre le 11.03.2020 et le 30.06.2023 en France en raison des mesures sanitaires ne sont pas à prendre en compte pour la règle des 25 % en matière de sécurité sociale. Le salarié reste affilié à la sécurité sociale allemande.
  • Pour les travailleurs frontaliers, les jours travaillés en France en raison des mesures sanitaires ne sont pas à prendre en compte pour les besoins de la règle des 45 jours.
  • Les salariés non-frontaliers travaillant habituellement en Allemagne sont en principe imposables en France au titre des jours travaillés en France, mais ils ont la possibilité d’opter pour une imposition en Allemagne pour les jours travaillés en France uniquement en raison des mesures sanitaires entre le 11.03.2020 et le 30.06.2022. Il est recommandé aux salariés de se procurer une attestation de l’employeur indiquant les jours travaillés en France, en distinguant entre les jours habituellement travaillés en France en vertu du contrat de travail et ceux travaillés en France uniquement en raison des mesures sanitaires.
  • Les prestations de la sécurité sociale (Kurzarbeitsgeld, Arbeitslosengeld, Insolvenzgeld) sont exclusivement imposables dans l’État de résidence.


    Source Photo: Miguel Á. Padriñán sur Pixabay