Si vous résidez en Allemagne et détenez des parts dans une société de capitaux (GmbH, AG, SARL, SA, etc.), attention : votre départ du pays pourrait avoir des conséquences fiscales inattendues.
Peu importe où est située votre société – en Allemagne, en France ou ailleurs – vous pourriez être concerné par la Wegzugsbesteuerung, plus connue sous le nom d’Exit Tax.
En clair, l’administration fiscale allemande assimile – sous certaines conditions – votre départ à une cession de vos parts et peut vous imposer sur les plus-values latentes, même si vous ne vendez rien. Une surprise fiscale de taille pour les expatriés non renseignés !
I. Problématique de base
Le fait de détenir des parts dans une société de capitaux est généralement source de deux types de revenus :
- Les distributions de bénéfices ou dividendes. Ces revenus sont versés annuellement par la société. En principe, les dividendes perçus sont imposables dans l’État de résidence de l’actionnaire.
- Les plus-values de cession. Celles-ci sont normalement réalisées en cas de cession des parts (ou d’une opération assimilée à une cession). En principe, les plus-values de cession sont imposables dans l’État de résidence de l’actionnaire.
L’Exit-Tax repose sur l’idée suivante :
Si une personne réside en Allemagne, possède des parts dans une société de capitaux et vend ces parts, la plus-value de cession est généralement imposée en Allemagne (État de résidence).
En revanche, si cette personne quitte l’Allemagne et ne vend ses parts qu’ultérieurement en France par exemple, la plus-value de cession sera normalement imposée en France (puisque la France est devenue État de résidence). Dans ce cas, le fisc allemand « perdra » les bénéfices qui étaient conservés sous forme de réserves latentes dans la valeur des parts jusqu’au départ d’Allemagne. Or, l’Allemagne considère que les parts ont été valorisées au cours de la période où la personne vivait en Allemagne. Pour cette raison, le fait, pour un actionnaire ou détenteur de parts, de quitter l’Allemagne et de retourner en France est susceptible d’entrainer l’imposition d’une plus-value de cession fictive en Allemagne.
II. Conditions de l’Exit Tax
On distingue 3 types de conditions :
- Les conditions liées aux parts sociales concernées
- Les conditions liées au lieu de résidence de l’actionnaire
- Les conditions liées au départ d’Allemagne
1) Quelles sont les parts sociales concernées ?
L’Exit Tax s’applique aux parts sociales qui remplissent les conditions suivantes :
- Il s’agit de parts dans des sociétés de capitaux (SA, SAS, SASU, etc. en France, GmbH, AG, etc. en Allemagne) indépendamment du fait que la société de capitaux ait son siège en Allemagne (sociétés de capitaux allemandes) ou à l’étranger (sociétés de capitaux étrangères) ;
Remarque : depuis 2025, l’Exit Tax s’applique aussi aux parts importantes (> 500.000 € par ETF/fonds) dans les ETF et les fonds d’investissements. Ce sujet fera l’objet d’un prochain article.
- Les parts se trouvent dans le patrimoine privé du détenteur (et non dans son patrimoine d’exploitation) ;
- Le contribuable y détient une participation d’au moins 1%.
Ces conditions doivent être remplies cumulativement.
En plus des conditions liées aux parts sociales, le détenteur doit avoir vécu en Allemagne un certain nombre de temps.
2) Quelles sont les conditions liées au lieu de résidence de l’actionnaire ?
L’Exit Tax allemande suppose que le détenteur de parts ait eu sa résidence fiscale en Allemagne pendant au moins sept ans au cours des douze années précédant le départ d’Allemagne.
Attention : la résidence fiscale s’entend au sens de la Convention fiscale franco-allemande, c’est-à-dire comme le lieu où vit le contribuable (avec sa famille, son conjoint, etc.) lorsqu’il ne travaille pas.
Exemple 1 :
Pierre est ressortissant français. Il réside en Allemagne depuis 10 ans avec son épouse et leurs deux enfants. Pierre détient une participation de 15 % dans une SAS qui a son siège à Paris.
⇒ Si Pierre décide de retourner vivre en France avec sa famille, il sera soumis à l’Exit Tax en Allemagne (résidence fiscale en Allemagne pendant plus de sept ans au cours des douze dernières années).
Exemple 2 :
Pierre est ressortissant français. Il travaille en Allemagne du lundi au vendredi. Pour ce faire, il loue depuis 10 ans un appartement en Allemagne. Pierre a toujours vécu en France avec son épouse et leurs deux enfants qu’il rejoint tous les weekends. Pierre détient une participation de 15 % dans une SAS qui a son siège à Paris.
⇒ Si Pierre décide de cesser son activité en Allemagne et d’y abandonner son domicile, il ne sera pas soumis à l’Exit Tax en Allemagne car sa résidence fiscale (au sens de la Convention) est toujours restée en France.
3) Quelles sont les conditions liées au départ d’Allemagne ?
L’évènement déclencheur de l’Exit Tax consiste, en premier lieu, à quitter l’Allemagne pour y installer sa résidence fiscale en France (ou dans un autre État).
Attention : la résidence fiscale s’entend au sens de la Convention fiscale franco-allemande, c’est-à-dire comme le lieu où vit le contribuable (avec sa famille, son conjoint, etc.) lorsqu’il ne travaille pas.
Exemple :
Reprenons l’exemple 1 ci-dessus.
Pierre décide de retourner vivre en France avec sa famille et sait qu’il est normalement soumis à l’Exit Tax. Dans l’espoir d’éviter l’Exit Tax, il décide de conserver une adresse en Allemagne.
⇒ Pierre n’évitera pas l’Exit Tax en conservant une adresse en Allemagne dès lors qu’en déménageant en France avec sa famille, il transfert sa résidence fiscale en France et déclenche donc l’application de l’Exit Tax.
Remarque :
Le fait de transférer ses parts sociales à titre gratuit à un résident fiscal allemand constitue également un élément déclencheur de l’Exit Tax. Dans notre exemple, Pierre n’échappera pas non plus à l’Exit Tax en faisant donation de ses parts à son grand-oncle qui réside en Allemagne…
III. Conséquences de l’Exit Tax
Lorsque les conditions présentées ci-dessus sont remplies, le fait de quitter l’Allemagne est susceptible d’entrainer l’imposition d’une plus-value de cession fictive en Allemagne.
Le départ d’Allemagne est assimilé fiscalement à une cession des parts.
Les réserves latentes sont découvertes et imposées.
La plus-value se calcule sur la base de la valeur vénale des parts au moment du départ, déduction faite des frais d’acquisition.
Si, au moment du départ, il en résulte mathématiquement une perte (valeur vénale < frais d’acquisition), celle-ci n’est pas déductible, selon l’avis constant de l’administration fiscale.
Pour déterminer la valeur vénale des parts, le législateur allemand prévoit une méthode simplifiée de calcul qui consiste à déterminer le rendement moyen en multipliant la moyenne des résultats des 3 dernières années écoulées à un coefficient de capitalisation de 13,75 (vereinfachtes Ertragswertverfahren, §§ 199 BewG). L’idée est que la moyenne des résultats annuels du passé représente le niveau de rendement attendu pour le futur.
La méthode simplifiée de calcul n’est pas obligatoire. Le contribuable peut justifier que la valeur réelle calculée sur la base de cette méthode simplifiée est incorrecte. Pour ce faire, il est recommandé de faire appel aux services d’un commissaire aux comptes (Wirtschaftsprüfer).
La plus-value subit un abattement fiscal de 40 %, de sorte qu’elle est seulement imposable à 60 %.
Conclusion
En définitive, l’Exit Tax entraîne l’imposition d’un gain fictif, sans que le détenteur des parts n’ait perçu le moindre revenu. Ce mécanisme peut poser de sérieux problèmes de liquidités et compliquer un projet de retour en France.
D’où l’importance d’anticiper ces conséquences fiscales et d’adopter les bonnes stratégies en amont. Selon votre situation, des solutions existent pour atténuer, différer ou peut-être même éviter cette imposition. Chaque cas étant unique, une analyse personnalisée est essentielle.
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