En principe, le salarié est affilié à la sécurité sociale du pays dans lequel il exerce son activité professionnelle.

Lorsqu’un salarié réside en France, mais qu’il travaille exclusivement en Allemagne, il travaille dans un seul État. Il est donc obligatoirement rattaché au régime de sécurité sociale de cet État, en l’occurrence au régime de sécurité sociale de l’Allemagne. Ce principe connaît une exception en cas de détachement.

Or, que se passe-t-il lorsqu’un salarié télétravaille en partie depuis sa résidence familiale en France et qu’il exerce le reste de son activité en Allemagne pour le même employeur ?

Au niveau communautaire, un salarié qui travaille dans plusieurs pays ne peut être affilié à la sécurité sociale que d’un seul pays. Afin de déterminer le pays compétent, il convient de s’en remettre aux règlements européens ou aux accords entre États :

 

1. Rappel des règles communautaires en cas de pluriactivité

En principe, lorsqu’un salarié qui travaille dans plusieurs États effectue plus de 25 % de son temps de travail dans son État de résidence, les cotisations sociales sont dues dans l’État de résidence.

Ainsi, un salarié qui télé-travaille depuis la France (État de résidence) plus de 25 % de son temps de travail pour un employeur basé en Allemagne, est soumis au régime de sécurité sociale de la France. Il appartient alors à l’employeur (allemand) de s’enregistrer en France et d’y verser les cotisations sociales.

Exemple :

Lucie a été embauchée par une société en Allemagne. Elle travaille 1 jour par semaine au siège de son employeur en Allemagne et télétravaille depuis son lieu de résidence en France pendant 4 jours par semaine.

=> L’employeur de Marie doit payer les cotisations sociales en France, car elle travaille dans son État de résidence plus de 25 % de son temps de travail.

 

2. Rappel des mesures exceptionnelles en période de COVID (11.03.2020 au 30.06.2023)

Pendant la période COVID, la plupart des employeurs allemands ont, sous l’effet des mesures et recommandations sanitaires et gouvernementales, ordonné le télétravail à leurs salariés.

La majorité des salariés qui résidaient en France se sont donc retrouvés à travailler depuis leur domicile en France, et ce plus de 25 % de leur temps de travail total.

En application des règles normalement applicables, cela aurait dû avoir pour conséquence une affiliation à la sécurité sociale française alors que ces salariés étaient jusqu’alors affiliés à la sécurité sociale allemande.

Or, les États membres s’étaient mis d’accord pour que le dépassement de la limite habituelle de 25 % en raison du recours accru au télétravail pour cause de COVID n’ait pas d’impact en matière de sécurité sociale eu égard au caractère exceptionnel de la sistuation. Ainsi, durant la période COVID (11.03.2020 au 30.06.2023), le salarié restait exceptionnellement affilié à la sécurité sociale de son État d’activité, même lorsqu’il travaillait plus de 25 % depuis son État de résidence.

Cet accord exceptionnel était toutefois limité au 30.06.2023 et n’est plus applicable depuis cette date.

 

3. Accord-cadre multilatéral de puis le 01.07.2023

Depuis le COVID, le télétravail s’est toutefois généralisé et il a fallu trouver une solution rapide pour remédier au problème de la règle des 25 % en matière de législation sociale.

Modifier les règlements européens en vigueur aurait pris trop de temps.

Les États membres ont donc utilisé une disposition juridique existant : la possibilité entre les États de déroger d’un commun accord aux dispositions communautaires sociales dans l’intérêt de certaines personnes ou catégories de personnes.

C’est ainsi que la plupart des États membres ont conclu un accord-cadre multilatéral valable depuis le 01.07.2023 ayant pour objectif de simplifier le télétravail des salariés exerçant une activité frontalière.

Cet accord est valable pour une durée de 5 ans (renouvelable) et il s’applique uniquement dans les États signataires. La France et Allemagne ont signé cet accord.

En vertu de cet accord cadre, un salarié qui télétravaille en France pour un employeur basé en Allemagne reste rattaché sur demande au régime de sécurité sociale de l’Allemagne, à condition notamment que le télétravail en France représente moins de 50 % de son temps total de travail.

 

Cet accord est soumis aux conditions suivantes :

 

a) Le salarié doit exercer une activité transfrontalière

L’accord-cadre s’applique au salarié qui exerce une activité transfrontalière, c’est-à-dire au salarié

qui a sa résidence dans un État et dont l’employeur ou le lieu de travail se situent dans un autre État.

Attention : A ne pas confondre avec le travailleur frontalier au sens fiscal du terme. L’accord-cadre du 01.07.2023 s’applique non seulement aux travailleurs frontaliers qui vivent et travaillent en région frontalière, mais aussi aux salariés qui vivent et travaillent hors région frontalière.

L’accord-cadre ne se s’applique pas aux indépendants.

 

b) L’activité exercée dans l’État de résidence est une activité de télétravail

Le télétravail s’entend de toute activité qui peut être exercée à partir de n’importe quel endroit et qui, grâce aux technologies de l’information, permet de rester connecté à l’environnement de travail de l’employeur ainsi qu’aux clients afin de remplir les tâches confiées par l’employeur.

L’accord-cadre ne s’applique pas lorsque l’activité exercée dans l’État de résidence n’est pas habituellement une activité de télétravail, par exemple lorsque le salarié s’y rend uniquement pour des voyages d’affaires.

 

c) Le télétravail exercé dans l’État de résidence représente moins de 50 % du temps de travail total

Le télétravail effectué dans l’État de résidence ne doit donc pas dépasser 49 % du temps de travail total pour que l’accord-cadre soit applicable. Cela représente un maximum de 2,5 jours de télétravail par semaine.

Ainsi, un salarié qui réside en France et qui y télétravaille au maximum 2,5 jours par semaine et le reste des jours sur site en Allemagne, pourra rester rattaché à la législation sociale allemande sur demande (voir précisions ci-dessous).

Pour le calcul du pourcentage maximal de 49 %, il convient, dans la mesure du possible, de tenir compte de la situation probable au cours d’une période de 12 mois civils, en tenant compte des périodes planifiables, telles que les vacances, pendant lesquelles l’emploi n’est pas exercé (par opposition aux périodes d’absence non planifiées, telles que la maladie).

 

d) Absence d’activité habituelle dans un troisième État

L’accord-cadre s’applique lorsqu’un salarié réside dans un État et que son employeur ou son lieu de travail se situent dans un autre État au maximum.

Si le salarié exerce une activité habituelle dans un troisième État, l’accord-cadre n’est pas applicable (dans ce cas, on applique les règles énoncées au point 1).

Le caractère habituel d’une activité s’apprécie ex-ante et dépend de la question de savoir si l’on peut s’attendre à ce que les périodes de travail dans deux États membres se succèdent avec une certaine régularité au cours des 12 mois civils à venir.

Exemple :

Paul réside en France et a été embauchée par une société au Luxembourg. Il travaille 2 jours par semaine en France (40 %) et 3 jours par semaine en Allemagne (60%).

=> L’accord-cadre ne se s’applique pas car trois États sont concernés. Dans ce cas, la législation sociale applicable s’apprécie en fonction des règles classiques en matière de pluriactivité (notamment : règle des 25 % énoncée au point A).

En revanche, le fait d’effectuer ponctuellement (moins de 10 % du temps de travail) des voyages d’affaires ou des conférences dans un troisième État ne fait normalement pas obstacle à l’application de l’accord-cadre.

 

4. Démarches pour bénéficier de l’accord-cadre

L’accord-cadre ne s’applique pas automatiquement lorsque ses conditions sont remplies. Si le salarié et son employeur souhaitent, d’un commun accord, bénéficier de l’accord-cadre, il convient d’en faire la demande auprès des autorités compétentes. Les États signataires se sont engagés à accepter la demande dès lors que les conditions énoncées dans l’accord-cadre sont remplies.

La demande se fait en principe dans l’État dans lequel l’employeur a son siège (lorsque la législation de l’État de l’employeur est amenée à s’appliquer).

Ainsi, dans le cas d’un salarié qui réside en France et qui télétravaille pour un employeur situé en Allemagne entre 25 % et 49 %, la demande se fait en Allemagne auprès du GVK-Spitzenverband, DVKA (Deutsche Verbindungsstelle Krankenversicherung Ausland. 

La demande correspondante doit être transmise par voie électronique par l’employeur.

Une fois la demande traitée et acceptée, la DVKA délivre un certificat « A1 » au salarié.

L’accord-cadre est entré en vigueur le 01.07.2023.

En principe, la demande peut être déposée avec effet rétroactif sur les 3 derniers mois précédant la demande.

Toutefois, la demande peut exceptionnellement être déposée avec effet rétroactif au 01.07.2023 (même si la période est supérieure à 3 mois) à condition que la demande soit déposée avant le 30.06.2024 et que des cotisations de sécurité sociale aient été versées de manière continue en Allemagne pendant cette période.

L’employeur et son salarié disposent donc exceptionnellement d’un an après l’entrée en vigueur de l’accord-cadre pour déposer une demande valable à partir du 01.07.2023.

 

5. Ce qu’il faut retenir

Lorsqu’un salarié télétravaille depuis la France (État de résidence) pour un employeur établi en Allemagne, il se retrouve en principe dans l’une des situations suivantes eu égard aux cotisations sociales :

  • Lorsque le télétravail en France (État de résidence) représente moins de 25 % de son temps de travail total, les cotisations sociales sont dues en Allemagne (État de l’employeur).
  • Lorsque le télétravail en France (État de résidence) représente entre 25 % et 49 % de son temps de travail total (et que les autres conditions de l’accord-cadre sont remplies), le salarié et l’employeur peuvent, d’un commun accord, demander à rester rattachés au système de sécurité sociale allemande. Les cotisations sociales sont alors dues sur demande en Allemagne (État de l’employeur). En l’absence d’un commun accord entre salarié et employeur ou à défaut de demande expresse, les cotisations sont normalement dues en France (car le taux de 25 % prévu par les règlements européens est dépassé).
  • Lorsque le télétravail en France (État de résidence) représente au moins de 50 % de son temps de travail total, les cotisations sociales sont dues en France (État de résidence).

 

Source photo: Bellahu123 on Pixabay.com